Intervention de Bastien Marchive

Séance en hémicycle du jeudi 22 juin 2023 à 9h00
Accompagnement des élus locaux dans la lutte contre l'artificialisation des sols — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Marchive, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Depuis plusieurs décennies, chaque année, la France construit sur ses espaces naturels l'équivalent de deux à trois fois la superficie de la ville de Paris, ce qui fait de nous le plus mauvais élève européen en termes de sobriété foncière. À titre de comparaison, nous avons consommé 15 % de terres en plus que l'Allemagne, qui est pourtant bien plus peuplée, et 57 % de plus que le Royaume-Uni, dont la population est comparable. On pourrait se dire : « Et alors ? ». Mais ce serait dénier le réchauffement climatique, l'érosion de la biodiversité ou la perturbation du cycle de l'eau que l'artificialisation implique. Ce serait également oublier que les sols ont la capacité de capter le CO? et que nos terres sont les garantes de notre souveraineté alimentaire.

Notre assemblée a préféré faire preuve d'esprit de responsabilité lorsque, il y a deux ans, elle a voté la loi « climat et résilience » qui fixait une trajectoire de réduction de l'artificialisation. Il ne s'agit pas aujourd'hui de revenir sur ces ambitions. Elles doivent, au contraire, demeurer intactes et nous devons maintenir un cap clair, celui de diviser par deux la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers en dix ans afin de parvenir à l'objectif de zéro artificialisation nette d'ici 2050.

Toutefois, des questions se posent : comment garantir que les grands projets de demain aboutissent ? Comment mieux accompagner les communes, en particulier rurales, pour atteindre ces objectifs ? En bref, comment faire pour que construire mieux ne soit pas synonyme de ne plus construire ?

L'enjeu de ce texte est de répondre à ces questions, qui sont autant d'objectifs à décliner à l'échelle des territoires, car ils relèvent de la compétence des communes. Par l'intermédiaire de leurs documents d'urbanisme – schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), schéma de cohérence territoriale (Scot), plan local d'urbanisme (PLU), plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI), plan d'aménagement et de développement durable de Corse (Padduc) et autres –, elles sont en effet les chevilles ouvrières de la construction, nous aurons l'occasion d'en parler abondamment.

De nombreuses collectivités locales nous ont fait part de leurs craintes de ne plus pouvoir se développer, de voir la ruralité être la grande oubliée ou les bons élèves être pénalisés. Elles craignent également de ne pouvoir mettre en œuvre la loi « climat et résilience » en raison de coûts excessifs ou d'un déficit d'ingénierie les privant de l'expertise nécessaire.

C'est pour répondre à ces alertes que M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a pris la décision de suspendre les décrets d'application. La période de réflexion et de concertation qui a suivi nous a donné l'occasion de rencontrer ou d'auditionner l'ensemble des acteurs concernés, au premier rang desquels les associations d'élus, mais aussi les associations environnementales, les agriculteurs, les promoteurs, les acteurs du logement et du monde économique et, plus globalement, tous ceux qui sont concernés par les objectifs ambitieux que nous défendons.

Trois grands principes ont guidé mes travaux de rapporteur. Il convient d'abord de maintenir le cap des ambitions environnementales fixées par la Convention citoyenne pour le climat (CCC), qui a inspiré la loi du 22 août 2021. La protection des sols constitue en effet l'un des piliers de la transition environnementale et nous ne saurions revenir sur de tels objectifs seulement deux ans après les avoir adoptés et alors qu'ils commencent seulement à être déclinés. Ensuite, il faut tenir compte de la particularité française – ces villages et ces paysages auxquels nous sommes tous attachés –, en veillant à la justice territoriale dans la répartition des droits à construire. Ce n'est qu'ainsi, en confiance et dans le respect de la liberté des élus locaux, que nous réussirons. Il vous sera donc proposé de créer une garantie rurale, un sursis à statuer ou encore un accompagnement de la réalisation de projets d'intérêts régionaux ou intercommunaux. Enfin, pour la transition environnementale et pour notre souveraineté, il faut garantir la réalisation des projets d'envergure nationale qui justifient, par leur objet et leur ampleur, que l'effort en découlant soit solidairement et efficacement partagé.

Le travail mené conjointement en commission des affaires économiques s'inscrit dans cette logique et je souhaite qu'il en soit également ainsi durant ces débats. À ceux qui s'inquiéteraient pour l'atteinte de nos objectifs environnementaux, je veux dire que nos ambitions sont intactes et qu'ils sont bel et bien respectés. À ceux qui redouteraient le blocage de projets décisifs pour l'avenir de notre pays, je veux dire que ceux-ci sont sécurisés. À ceux qui craindraient pour le développement des communes rurales, je veux dire que nous l'avons ici garanti. Le présent texte adopté en commission respecte ces grands équilibres. Il nous appartient désormais collectivement de les préserver.

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